Le métier de l’ouest

Samedi après-midi, Kathleen m’a appelé pour me dire qu’elle avait trouvé un banc pour métier à tisser de la compagnie Clément sur Marketplace.

Je ne connais pas grand-chose à tout ça mais je sais que Clément est une compagnie québécoise connue mais qui n’existe plus. Les connaisseuses adorent les produits de cette compagnie. Quand elles en trouvent, elles deviennent toutes excitées. Pas nécessairement pour la qualité du produit mais plutôt pour l’aura entourant ces produits. Peut-être parce que les dames aiment utiliser les mêmes outils que leur mère ou grand-mère utilisait.

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C’est comme moi qui a un Marinoni (un vélo). M. Marinoni est un italien qui fabrique, lui-même, des vélos à Terrebonne.

Est-ce que ses vélos sont meilleurs que les autres? Non. C’est quand même bizarre que tous les cyclistes au Québec savent ce qu’est un vélo Marinoni. Moi je l’ai acheté parce que ma blonde du moment m’a dit d’acheter ce vélo. Elle le trouvait « beau ». 

Kathleen a décidé de vendre sur Kijiji le vélo (un Marinoni) que son père lui avait donné parce que le vélo n’était pas vraiment adapté pour elle. 

Quelqu’un lui a répondu le jour même en lui disant qu’il était prêt à payer 50$ de plus si on lui apportait cet après-midi là. 

Nous sommes arrivés là et il était tout excité. Kathleen avait payé pour tout réparer le vélo alors ce n’était pas vraiment un « original ». Le gars s’en foutait totalement. Il nous a dit qu’il était petit (comme le père de Kathleen) et que ça faisait longtemps qu’il cherchait un Marinoni pour sa taille. Il nous a dit qu’il changerait tout. Kathleen avait fait changer le « tape » autour des poignées ainsi que plein d’autres trucs et il nous a dit qu’il remettrait tout ça comme l’original.

C’était trop drôle de le voir. Il a donné son argent à Kathleen et nous sommes partis, tout le monde heureux. Le vélo de Georges avait trouvé quelqu’un pour le respecter/vénérer et prendre soin de lui.

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Nous sommes donc arrivés chez le vendeur de ce banc. Je ne savais pas à quoi m’attendre. C’aurait pu être quelqu’un qui vendait des trucs de sa mère. C’aurait pu être quelqu’un qui avait acheté une maison et s’était retrouvé avec plein de trucs dont il n’avait pas besoin.

C’était loin dans l’est de Montréal. Un homme est venu répondre à la porte. Un grand bonhomme dans la trentaine avec une belle coupe de cheveux. Dans ma tête je me disais qu’il était peut-être/probablement gai. 

C’est bizarre comme je ne classe pas les gens rapidement. Il est peut-être gai mais peut-être pas. Je deviens seulement plus alerte aux signes ou propos.

Il devait y avoir 10 paires de soulier près de l’entrée. Chacune d’entre elles était pour des pieds beaucoup plus grands que les miens. Je ne l’ai pas remarqué tout de suite. Ce n’est que lorsque nous sommes sortis que j’ai constaté l’évidence.

C’était super beau chez lui. Je me souviens avoir déjà regardé un condo à vendre près de chez moi et Kathleen m’avait dit : « C’est super beau mais pas féminin. C’est sûr que l’appartement appartient à un couple gai ». 

Disons que Kathleen a la décision facile par rapport à ça.

Le gars était trop cute. C’était super beau chez lui. J’adorais la décoration.

Kathleen et lui se parlaient avec plein de mots que je comprenais à peine. Disons que j’en comprenais plus que la moyenne des gens l’aurait fait mais pas beaucoup plus. C’était beau de voir cet éclair de passion dans leurs yeux.

Le gars a fini par lui dire, tout enthousiaste : « Veux-tu visiter mon atelier au sous-sol? » Duh! On y est allé.

Le monsieur avait une serre et un grand atelier avec deux immenses métiers à tisser. Kathleen était impressionnée par son installation. C’était vraiment beau.

Ils ont continué à discuter à propos de tissage. Kathleen lui a dit qu’elle allait à la guilde des tisserandes de Lachine. Il lui a demandé si les hommes étaient acceptés d’un air de quelqu’un qui se l’était fait refuser trop souvent, comme avec une tristesse dans le regard.

C’était si bizarre cet instant qui voulait en dire trop. Un homme gai se fait même refuser par des groupes à majorité féminine? 

Kathleen l’a regardé d’un air interrogateur : « Mais oui, les hommes peuvent venir. Il y en a très peu mais il n’y a pas de règles l’empêchant. »

Il nous a expliqué qu’il avait essayé de s’inscrire auprès du Cercle des fermières (je pourrai vous en parler plus longuement si vous ne savez pas ce que c’est) et qu’on lui avait répondu que ce n’était que pour les femmes.

Pour moi, c’était difficile à entendre. Ce gars-là a probablement eu de la difficulté à se faire accepter dans les premières années de sa vie et on l’empêchait encore de partager sa passion avec d’autres.

Kathleen lui a dit qu’il pourrait s’inscrire avec la guilde de Lachine mais que ce serait probablement beaucoup trop loin pour lui. Ses yeux ce sont allumés. Oui, il était prêt à se déplacer jusqu’à Lachine. 

J’imaginais ce gars qui avait dû se sentir trop souvent exclus dans sa vie et qui, soudainement pouvait parler ce langage bizarre que les personnes « normales » ne comprennent pas.

C’était trop beau à voir.

Lorsque nous avons quitté, j’ai dit à Kathleen que le monsieur était très sympathique. Elle m’a répondu qu’il était super beau. 😉 

Je pense encore à lui. J’espère qu’il est heureux et qu’il trouvera des gens avec qui partager ses passions.

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